La population française vieillit, cela fait déjà quelques décennies que les politiques publiques ont acté cette réalité démographique et mis en place des solutions. La prise en compte du bien-être physique ET psychologique des personnes âgées est plus récente, mais se place aujourd’hui au centre des préoccupations des familles et des organismes d’aide : il s’agit de respecter les personnes également dans leur identité et leur culture. Avec 6 établissements spécialisés et tout un panel de services à la personne, le Casip-Cojasor a acquis une véritable expertise du public âgé sur Paris et sa petite couronne ainsi que dans le sud de la France.
Le Casip est une fondation d’intérêt général ouverte à tous, qui, dans ce cadre particulier de l’accompagnement des séniors, travaille sur les questions spécifiques à la communauté juive : « parce que cet accompagnement doit avoir un sens pour ces personnes, qu’elles ont droit aussi à une égalité de traitement dans leurs différences et que ce n’est pas le rôle d’un service public, habilité à servir le plus grand nombre, de trouver par exemple des prestataires ou des EHPAD qui servent des repas cachers : c’est là où nous avons toute notre place dans le paysage social » explique Sarah Binabout, chef du service des personnes âgées et retraitées de la fondation.
Un service aujourd’hui saturé, qui traite plus de 1200 dossiers par an : le plus souvent des personnes seules, parfois en couple, certains sont entourés, d’autres pas. Pour bénéficier de ce service, il faut avoir plus de 65 ans, avec des droits à la retraite ouverts et un domicile fixe, ceux qui n’entrent pas dans ces critères sont orienté sur d’autres services d’aide aux familles. Le service compte 12 travailleurs sociaux polyvalents et un chargé de liaison administrative et sociale qui se déplace chez les personnes pour les aider dans leurs démarches (cf. portrait ci-contre). Tous ont choisi de s’occuper des personnes âgées. Un travail qui se fait en complémentarité permanente avec les services de l’état et avec tout un réseau de partenaires professionnels (medico- social, assistance du quotidien…) qui interviennent dans le processus d’accompagnement.
Quand l’âge se fait lourdement sentir et que l’autonomie diminue, c’est le plus souvent la famille inquiète ou des proches, parfois des voisins, qui enclenchent le signal en demandant de l’aide auprès des services sociaux. Mais quel type d’aide apporter ? Maintien à domicile ? Placement en établissement spécialisé ? Le choix est bien sûre laissé aux premiers concernés… tant qu’ils le peuvent !
Un Petit chez-soi … : Le choix du maintien à domicile
Nina Ryvajskaya n’imagine pas vivre ailleurs que dans son petit appartement Parisien, elle a 79 ans « quand je vois le chiffre, j’ai parfois l’impression qu’on parle de quelqu’un d’autre » dit-elle avec humour. Ancien professeur, Nina a gardé toute son acuité intellectuelle, mais le corps ne suit plus beaucoup : « l’ascenseur s’arrête au ½ étage et cela devient compliqué de sortir, de soulever des courses : alors j’ai bien une aide à domicile deux fois par semaine, mais parfois je ne sais plus comment faire, vous comprenez c’est la première fois que je vieillie ! »
Comme Nina, une écrasante majorité des séniors souhaitent rester chez eux. Il faut alors organiser autour d’eux et en fonction de leurs besoins, tout un système d’accompagnement.
Les politiques publiques vont aussi largement dans le sens du maintien à domicile, notamment avec le versement de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) qui permet de payer une partie des dépenses nécessaires au maintien à domicile.
C’est la 1ere démarche des travailleurs sociaux : veiller à l’ouverture de ce droit et déclencher une première visite d’évaluation par les services sociaux.
« C’est toujours un moment très anxiogène pour les personnes âgées, et notre première mission c’est d’établir très vite un lien de confiance, notamment quand on peut assister à cette rencontre qui va déterminer le plan d’aide dont la personne à besoin » explique Daphna Mouchenik, fondatrice de Logivitae, une des associations phares de l’aide au maintien à domicile, qui rend un vibrant hommage au dévouement des travailleurs sociaux dans le très joli livre qu’elle a écrit sur la question (cf. notre rubrique culture). D’autres associations comme l’ADIAM sont également partenaires, notamment avec un service spécifique pour les maladies neurodégénératives ou chroniques.
C’est tout un monde qui s’organise alors autour de la personne. Cela va de l’aide-ménagère à domicile et du portage de repas à la liaison avec des équipes spécialisées Alzheimer (ESA), en passant par l’Ergothérapeute pour l’aménagement du logement, les équipes médico-sociales comme les infirmiers, kinésithérapeutes, aide soignants… Et cela coûte cher. Outre l’APA versé par le Département, il y a des aides privées qui peuvent être allouées par des associations ou des fondations privées : « Nous faisons des demandes d’aide à la CLEMS par exemple très active dans l’aide aux victimes du nazisme ou à leurs descendants (enfants cachés), le Casip aide aussi sur des fonds propres pour l’aide au logement ou d’autres aides plus spécifiques » explique Sarah Binabout. « Quand le plan d’aide est très restreint, avec 1 ou 2 heures par jours, alors il faut parfois trouver des soins (kiné ou autre) et si possible des bénévoles, pour que la personne ne reste pas trop seule » raconte Daphna Mouchenik qui insiste sur le fait qu’il s’agit aussi d’aider les séniors à entretenir leur autonomie le plus longtemps possible.
« Parfois nous parvenons à les accompagner, chez eux, jusqu’au bout » explique Sarah Binabout.
Mais arrive le moment ou cela n’est plus possible : « Quand les personnes ne sont même plus conscientes qu’elles sont chez elles et seules : on sait qu’on atteint la limite extrême » reconnait sobrement Daphna Mouchenik. Une solution s’impose alors : les Résidences pour personnes âgées.
Un Grand chez-les-autres : Quand il n’y a plus le choix
Pour les personnes qui sont encore assez autonome, mais trop inquiets de se voir s’affaiblir, il existe des résidences type Foyer-Logements, comme le foyer Moïse Léon à Paris ou La villa Jacob à Nice, gérés par le Casip. Là, les personnes bénéficient d’une surveillance rapprochée, de divers services et peuvent entretenir un lien social avec les autres locataires. Ici ils bénéficient aussi d’une aide au logement en plus de l’APA. Quand la situation est plus complexe, l’EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) reste l’unique recours.
La politique active en faveur du maintien à domicile a fait nettement reculer la moyenne d’âge nationale d’entrée en résidence : aujourd’hui les séniors qui rentrent dans des EHPAD ont entre 85 et 90 ans. Du fait de l’âge très avancé des nouveaux entrants, la dépendance est accrue, et l’APA est alors utilisée pour payer une partie du coût de la résidence, le reste est à la charge des familles.
Quand ce ne sont pas des troubles cognitifs importants, c’est l’épuisement des aidants (famille, enfants) et la trop grande difficulté à rester chez soi en toute sécurité qui détermine ce choix. « C’est rarement une volonté, même si quelques personnes demandent à rentrer en maison de retraite pour rompre leur isolement » confirme Déborah Zakine, Directrice de l’EHPAD de La Colline à Nice, gérée par le Casip-Cojasor. « Mais ce n’est pas non plus parce qu’elles sont en EHPAD que la majorité de ces personnes sont isolées, au contraire : beaucoup de famille sont très impliquées et font parfois des visites quotidiennes avec des douceurs et des petits plats pour leurs proches » précise Déborah Zakine.
Ces établissements sont médicalisés et habilités à gérer les problèmes de santé de leurs résidents qui sont ainsi mieux suivis. Mais les EHPAD et les maisons de retraites souffrent d’une image très dégradée. « C’est ma hantise, c’est pour moi un mouroir » s’exclame Nina Ryjavskaya à la simple évocation de cette solution.
Pourtant la vie en Résidence peut se révéler très stimulante, avec des soins quotidiens, des activités pour faire travailler la mémoire ou simplement pour se divertir et une vie sociale bien plus attrayante qu’en appartement. Daphna Mouchenik défend avec passion les résidences : « Beaucoup de gens ne veulent pas y aller pour des raisons qui relèvent plus de l’idée qu’ils en ont, que de la réalité ! Et la mauvaise presse autour des EHPAD décourage aussi bien les vocations que les usagers qui pourraient pourtant y trouver beaucoup de confort ! »
Quand le choix de faire entrer une personne en maison médicalisée ne se pose plus, il reste le choix de l’établissement lui-même : « nous sommes dans l’écoute, nous travaillons beaucoup avec les familles pour les aider à orienter leur choix : l’entrée d’une personne dans une résidence donne souvent lieu à une crise familiale, avec des dissensions de points de vue, des sentiments de culpabilité… notre service d’aide aux personnes âgées accompagne aussi les familles » confie Sarah Binabout.
Prendre soin de nos aînés implique de s’engager sur un chemin parfois difficile, toujours complexe, mais c’est aussi une belle réponse de vie et d’espoir.
Par Sonia Cahen-Amiel